les autres et l'enfer

Publié le par Super meuh

Je ne connais pas cet auteur. D'ailleurs je ne connais pas non plus le cycle dont il est question, mais pour le coup, j'adore ce qu'il a répondu là:

 

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En répondant à l'un de ses lecteurs, Neil Gaiman a non seulement pris la défense de George R.R. Martin mais également, par extension, celles d'autres écrivains. Sa réponse peut bien évidemment s'appliquer à d'autres personnes publiques, des éditeurs, des sites internet, ou tout autre entité qui croule sous les récriminations de fans mécontents.

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Pour une meilleure compréhension, nous avons également traduit le message du lecteur :


Bonjour, Neil
Je viens de m’inscrire sur le blog de George RR Martin (http://grrm.livejournal.com/) dans l’espoir d’avoir quelques informations à propos du prochain Trône de Fer qui ne devrait pas tarder à sortir. J’adore ce cycle, mais après m’être inscrit, le manque de communication de Martin à propos de la date de sortie n’a eu de cesse de me frustrer. En fait, on a l’impression qu’il fait tout pour ne pas travailler sur son prochain roman, ce qui amène certaines questions :

1)Avec les blogs, les micro-blogs et d’autres formes de moyens de communication, pensez-vous que le public a trop d’opportunités de se mêler au processus créatif d’un écrivain ? Si on annonce l’arrivée d’un nouveau livre deux ans plus tôt et qu’il tarde toujours à sortir, qu’on évite soigneusement le sujet sur le blog, est-ce que le public ne va pas être tenté de considérer l’auteur comme un « feignant » ? Quand on blogge au sujet de son travail et de sa vie, n’a-t-on pas plus l’obligation de respecter ses engagements ?

2)Quand on écrit un cycle comme Le Trône de Fer de Martin, quelle est la responsabilité de l’auteur quant à la conclusion de son histoire ? Est-ce exagéré de penser que, si Martin n’écrit pas le chapitre suivant, il me laisse tomber, même si la date de remise du livre terminé est entièrement de son ressort et reste tributaire de son bon vouloir ?
J’aimerais bien connaître votre avis.
Gareth


La réponse de Neil :


À mon avis…

1)Non…
2)Oui, il est exagéré de penser que George RR Martin vous laisse tomber.

Ecoutez, Gareth. Ce n’est peut-être pas très correct, et je ne suis pas arrivé à trouver une meilleure façon de le dire, mais pour ma part, il y a une raison extrêmement simple à tout cela :

George RR Martin n’est pas votre pute.

C’est important de le savoir. Et c'est peut-être aussi important de le souligner quand vous commencez à penser que George est, de fait, votre pute, et qu’il devrait être en train d’écrire ce que vous voulez lire en ce moment même !

Les gens ne sont pas des machines. Les écrivains et les artistes non plus.

Vous vous plaigniez que George fait d’autres choses plutôt que d’écrire les livres que vous voulez lire, comme si en achetant le premier tome du cycle vous développiez un contrat avec lui : vous payez vos dix dollars et en échange, Martin passe ses journées à écrire jusqu’à ce que le cycle soit terminé, écrivant ainsi le reste des livres pour vous.

Ce genre de contrat n’existe pas. Vous avez payé vos dix dollars pour le livre que vous avez lu. Et je pense qu’il vous a plu, puisque vous souhaitez en connaître la suite.

A mon avis, le plus gros problème des cycles, ce sont les lecteurs qui se plaignent que la qualité tend à baisser quand l’auteur essaie de sortir au moins un livre par an, ou qui se plaignent que, si les tomes restent aussi bons, ils ne sortent pas en temps et en heure.

Certains auteurs ont besoin de temps pour charger leurs accus, puis écrivent très vite leur livre. D’autres pondent une page ou plus par jour, qu’il vente ou qu’il pleuve. Certains auteurs perdent l’inspiration et doivent attendre avant de se remettre au travail. Parfois, un écrivain n’a pas vraiment d’idée pour le livre suivant dans un cycle, mais l’inspiration lui vient pour tout à fait autre chose. Il s’engage donc dans cette nouvelle voie, ce qui entraîne des hurlements outrés de la part des personnes qui veulent savoir comment tel auteur ose écrire le livre X alors que les fans attendent le livre Y.

Récemment, pour la première fois en 25 ans, j’ai dépassé un délai. Je l’ai même totalement raté. J’ai soupiré en disant : je n’y arrive pas, et vous n’aurez pas votre histoire. Il était très tard, je croulais sous la pression du dernier délai, mon père mourut et tout à coup, l’histoire périt en même temps. J’aimais le chemin qu’elle prenait, mais elle ne fonctionnait pas. Finalement, plutôt que de rendre fous les rédacteurs et les éditeurs à force d’attendre une histoire qui ne viendrait pas, j’ai abandonné et je me suis excusé. Je ne savais même pas si j’allais pouvoir écrire un jour.

Je me suis attelé au boulot suivant. C’était un script. Je l’ai écrit sans problème et avec beaucoup de plaisir. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé. Tous les personnages faisaient exactement ce que je voulais qu’ils fassent, et l’histoire était encore meilleure que ce que je l'espérais.

C’est la vie, parfois. On ne choisit pas ce qui fonctionne. On se contente de donner le meilleur à chaque fois.

Et parfois, ce qui est vrai pour les lecteurs, est vrai pour les auteurs : ils ont une vie. Dans notre monde aussi, des gens tombent malade ou meurent. On tombe amoureux, ou on se fait plaquer. Une tempête grille notre disque dur et le disque de sécurité par la même occasion.

Et la vie est une bonne inspiration pour un écrivain. On aime à la contempler et l’étudier.

La balance économique d’un écrivain, signifie que peu d’entre nous peuvent se permettre d’écrire des livres de 5 000 pages avant de les scinder une fois terminés pour les publier chaque année. De fait, les auteurs avec de grosses histoires ou qui, comme Sandman, grandissent durant la phase de création, les écrivent et les sortent au fur et à mesure.

Et si vous attendez un nouveau tome d’un cycle, qu’il soit de George, de Pat Rothfuss, ou de quelqu’un d’autre…

Attendez. Relisez le premier tome. Lisez autre chose. Vivez votre vie. Espérez que l’auteur écrive le livre que vous attendez, et qu’il n’est pas en train de mourir, ou je ne sais quoi d’aussi dramatique.

Oh, et Gareth, si à l’avenir vous voyez d’autres personnes se plaindre que George R.R. Martin a été repéré à faire autre chose qu’écrire le tome qu’ils attendent, expliquez-leur plus poliment que je ne l’ai fait au début, cette vérité simple et indéniable : vous n’êtes pas les patrons de George R.R. Martin.

J’espère que cela vous a aidé.

 

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http://www.fantasy.fr/articles/view/9521/neil-gaiman-george-martin-n-est-pas-votre-pute

Publié dans pro

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