La Magie de l'Allaitement

Publié le par Supermeuh

 

J'aurais pu écrire un billet super gentil et doux et sucré sur l'allaitement qui roule, qui coule, sur la joie de donner le sein quand tout va bien, le plaisir partagé d'une relation d'allaitement réussie, j'aurais pu vous emmener au Pays des Bisounours et vous rouler dans les chaudoudoux jusqu'à la fin des temps de l'année - ça va c'est pas trop long non plus - parce que même que tout de même, ça existe, et heureusement.

 

Mais je suis pas hyper gentille et douce et sucrée ces temps-ci, d'ailleurs je ne le suis JAMAIS. Et "les gens heureux n'ont pas d'histoire".

Donc j'ai encore en tête un article Spéciale Dédicace au conditionnement social et marketing qui nous enveloppe entoure.

 

Or donc, des articles fort bien documentés à lire ici  nous ont ouvert les chakras sur les messages plus que douteux des industriels laitiers qui tentent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et abusent les mères (et les parents en général) en les amenant à penser que le sein, c'est bien, mais le biberon (et ce qu'on met dedans), c'est teeeelllleement plus simple, facile, pratique, reposant, banal, normal, sécure en matière de santé, etc, etc. J'en passe et des meilleures.

 

A force de voir des images de biberons partout, de voir des boîtes de lait artificiel à tous les détours de pages de magazines pour parents et futurs parents et à tous les coins de rayons de supermarchés dans le mépris superbe du Code de Commercialisation des Substituts au Lait Maternel ( à lire là ), des tétines, et encore d'autres biberons, c'est clair, ces pratiques semblent être la norme. C'est fou, mais c'est comme ça.

 

Culturellement, le biberon et le lait artificiel nous sont devenus tellement familiers, on est tellement imprégnés, imbibés, intoxiqués, que le bon sens vient à nous manquer, et on croit naïvement toutes les salades qu'on nous balance pour nous faire ACHETER UN PRODUIT dont en fait, nous n'avons absolument pas besoin, et ce à aucun moment de la vie de notre bébé – car c'est bien d'un produit dont il s'agit, un truc fabriqué pour gagner de l'argent, faire du business, et c'est de millions d'euros dont on parle !

 

Produit, « substitut » qui est très, très loin de l'original (ne serait-ce qu'au goût...), et qui, bizarrement, en arrive à supplanter dans la norme sociale le lait maternel, et le sein qui le produit.

 

Ainsi, on vend aux parents une image complètement fausse du lait artificiel dans la pratique de tous les jours, puisqu'à aucun moment on ne va expliciter clairement et en toute transparence ce que veut dire donner le biberon au quotidien, tous les jours, toutes les nuits aussi, pendant de nombreux mois :

  • L'achat, c'est-à-dire la dépense, d'un nombre certains de biberons ( En verre ? En plastique ? Avec ou sans adjuvant chimique influant sur le système hormonal du bébé qui boira dedans x fois par jour?), de tétines pour le biberon de marques diverses et variées pour trouver celle qui sera le moins mal vécue par bébé, d'autres tétines qui permettront à bébé d'assouvir son besoin de succion, rose, ou bleue, ou qui brille la nuit, ou...

  • La corvée de vaisselle et de stérilisation (ou pas, mais cela reste à la mode, vu le nombre de stérilisateurs vendus sur une année) des biberons et tétines. Parce qu'il ne suffit pas de passer un biberon au lave-vaisselle (pourtant grand libérateur de la femme moderne) pour qu'il soit propre, vous n'échapperez pas à un bon petit coup de goupillon par-ci par-là.

  • Le coût des boîtes de lait artificiel, de l'eau en bouteille à mélanger, et le souci du ravitaillement en temps et en heure qui va avec.

  • Le transport de tout ce barda au cas où, parents inconscients des exigences de la logistique nécessaire pour la survie de votre bébé, vous envisageriez de SORTIR, peut-être même de faire des courses, ou encore pire, d'avoir une vie sociale.

  • Et bien sûr, la préparation de la mixture, qui, franchement, n'a rien de naturel, ni de simple, ni de pratique, ni de reposant, ni de normal,  ni de rien de ce qu'on vous fait croire lorsqu'on vous vend une image idéalisée du biberon, bébé grassouillet et nounours bleu ou rose à l'appui. Qui vous a prévenus qu'il est vraiment, mais vraiment nécessaire de faire chauffer l'eau qu'on va mettre dans le biberon à 70°C, histoire de cramer en beauté toutes les gentilles petites bactéries pas très baby-friendly qui grouillent littéralement dans la boîte de lait industriel que vous venez d'ouvrir (et que vous allez garder quelques jours, maintenant qu'elle n'est plus fermée sous-vide, dans votre cuisine), lait en poudre qui est TOUT sauf stérile ?

    On croit bêtement qu'on fait chauffer le biberon pour le confort du bébé, hein, pour ne pas lui faire boire du lait froid dans son petit estomac. Meuh non. On doit faire chauffer l'eau pour des raisons sanitaires. Ah.

    Donc, ensuite on met le nombre de cuillères bien rases recommandées à tel âge (euh, comment ça il est 3 heures du matin et vous ne savez plus combien vous avez déjà versé de cuillères ? C'est Alzheimer précoce ou bien?), et puis on agite en faisant rouler, puis de bas en haut (voui, voui, c'est marqué tout comme ça sur la boîboîte), on fait refroidir, bien sûr, maintenant qu'on a fait chauffer. Et enfin, enfin, on peut aller nourrir son gosse qui hurle depuis une heure. S'agit pas qu'il se rendorme sur le rôti, épuisé par tant d'attente, parce que normalement, il devrait avoir tout bu dans la demi-heure, toujours selon les recommandations sanitaires en vigueur – et c'est aussi valable pour les petits êtres humains européens, au cas où on vous soufflerait que, naaaannnn, tout ça, c'est pour les pays qui n'ont pas accès à l'eau potable, hein. Les bactéries comme les entéro-coli sont dans le lait en poudre, pas dans l'eau à priori - oui, on se demande comment « ça » arrive dans la boîte de lait industriel destiné à nourrir votre bébé chéri, mais c'est une autre question.

 

Et tout ça, c'est cool. C'est simple. C'est naturel, simple, reposant, sécure, pratique,normal, etc, etc. Évidemment.

 

Bon.

Alors maintenant, on dirait que vous êtes une maman qui a « fait le choix d'allaiter » (comme si on faisait le choix de manger pour vivre, ou de respirer, bon, bref).

Mais c'est qu'en fait, comme la plupart d'entre nous pauvres diablesses, vous n'avez pas vu de bébé au sein très fréquemment, ces derniers... 30 ans ?

Bah, c'est pas grave, l'allaitement, c'est « naturel ». C'est « magique ». Voilà, on prend son bébé – dans le bon sens de préférence -, on le met au sein, lui, il vient de naître mais il connaît déjà tout de la vie, en tout cas plus que nous visiblement, il se met à téter comme un pro du pot, et voilà, le tour est joué. Tout coule, tout roule. Allaitement réussi, bébé tète « aux 3 heures » tout comme dans les magazines, livres de puériculture, et autres conseils avisés de pédiatres. À trois mois, il tète déjà 4 fois par jour, point barre, et c'est parfait.

Et si... Et si ce n'est pas le cas ?

Et si on ne sait pas trop mettre son bébé au sein, ni identifier s'il prend bien le sein, et s'il reçoit bien du lait ?

Et si bébé demande à téter « tout le temps », et s'il ne grossit pas bien avec 5 tétées par jour à un mois ?

Et si... ?

 

On peut continuer à se dire que l'allaitement, c'est « magique ». Qu'on a du lait, ou qu'on en a pas, que c'est juste une question de chance, ou de karma.

Et c'est bien là-dessus que mangent les industriels du lait en poudre.

Non seulement on nous a amenées à penser qu'il y a un choix à faire, mais encore on se rend compte que même celles qui ont « choisi » restent des proies potentielles, des proies idéales, démunies de repères, dépourvues de la « culture de l'allaitement » suffisante et nécessaire pour réussir son allaitement. Et se retrouvent à sevrer leur bébé faute de repères valides, faute de gestes techniques efficaces disponibles, qu'elles se sentiraient prêtes à mettre en œuvre.

Ainsi, dès qu'un obstacle se présente, les mères qui baignent, sont imprégnées, intoxiquées par cette culture du biberon, ont bien du mal à trouver en elles les ressources, la motivation pour appliquer les pistes ou les aides plus techniques qui leur permettront de dépasser la difficulté, et de nourrir leur bébé tout en préservant la relation d'allaitement, jusqu'à ce que le bébé soit apte à mieux téter, jusqu'à ce qu'il ait appris son job de bébé en tétant.

Par exemple, avec un DAL.

 

Beaucoup de mères rêvent d'un allaitement simple, naturel, sans intervention d'aucune sorte. On met bébé au sein, et hop, limite on n'a même pas besoin de le tenir.

Parce que non seulement on leur vend une image idéalisée du lait artificiel, mais encore on les berce d'illusions concernant l'allaitement, sans dénigrer, oh, non, on ne se permettrait pas, mais en détruisant les représentations de ce qui est « normal » quand on allaite, quand on a un bébé.

Au point qu'il peut leur paraître plus facile, plus aisé, plus normal en somme, de donner un biberon et de se prêter à toute la gymnastique associée, pour rentrer dans le rang, se simplifier la vie (on a vu comme c'est simple!)  plutôt que de développer de nouvelles compétences en lien avec l'allaitement.

 

On peut aussi prendre conscience que toute activité humaine nécessite un certain nombre de compétences, de savoir-faire. Au début, quand on fait du vélo par exemple, ce n'est pas évident de coordonner les mouvements, de trouver son équilibre. Il faut un peu de temps, et de pratique, et d'essais. Et quelqu'un qui nous tient.

Et puis un jour on se rend compte que ça y est, on roule, no problem ! L'équilibre est acquis, et on avale les kilomètres sans se biler!

Eh bien l'allaitement maternel c'est pareil. Les premières fois, on peut se dire qu'on n'y arrivera pas. On a juste besoin d'un petit coup de pouce, et de savoir quoi faire, et comment le faire.

Jusqu'au moment où on l'a tellement fait que les chemins neuronaux sont inscrits, c'est comme un réflexe, comme si on l'avait toujours fait, on n'a même plus besoin d'y penser, mais la démarche est acquise, inscrite, inaltérable. On soulève son tee-shirt sans même y prêter attention, on tire son lait comme qui rigole, on sait comment agir et réagir en cas d'engorgement sans s'affoler, on introduit les solides en préservant l'allaitement... ça ne s'invente pas. Mais ça s'apprend.

Toutes les mères qui allaitent ont recours, à un moment où à un autre, à ces éléments de la culture de l'allaitement, et c'est ainsi qu'elles deviennent des mères expérimentées en allaitement.

Ce n'est pas une honte, ni un échec, bien au contraire, que de connaître et de pouvoir appliquer les gestes qui vont permettre à notre enfant d'avoir accès, tant qu'il en aura besoin, au lait de sa mère, au lait de femme, ce qui est la norme de l'espèce humaine, depuis des milliers d'années.

Publié dans allaitement on demand

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
C'est bien d'avoir écrit ce post.Parce que c'est vrai qu'on nous vend le mythe de la maternité béate et merveilleuse qui vous change en vraie Lafâm, mais si en plus on fait croire que l'allaitement<br /> c'est pareil... parce que allaiter c'est un apprentissage des deux côtés, mère qui a bobo les tétés (au début) et bébé qui doit 'tirer' plus que sur un bib....bon bref, je plussoie.
Répondre
S
<br /> <br /> :-)) ça me rend toute fiérote que t'apprécies ;-)<br /> <br /> <br /> <br />